On les voit partout ces dirigeants du Front national, grassement payés comme permanents politiques avec notre argent (à cause du scandaleux financement des partis par l’Etat), dire qu’ils condamnent les récents « dérapages » « inutiles » (!) de Jean-Marie Le Pen. Ils font mine de s’indigner, mais tout ce discours pétainiste et ouvertement raciste, Jean-Marie Le Pen l’avait déjà tenu maintes fois : ils ne pouvaient pas l’ignorer quand ils ont adhéré au FN et ça ne les a pas empêchés de rejoindre le parti qu’il dirigeait. Il ne s’agit au fond ni de provocation ni de dérapage, le « président d’honneur » du parti d’extrême droite dit ce qu’il pense, et c’est effectivement immonde – c’est ce que sont les idées d’extrême droite. Par ailleurs, se sentant mis sur la touche, Jean-Marie Le Pen veut aussi rappeler qu’il conserve un espace médiatique, indépendamment de sa fille, et qu’il peut encore faire les grands titres des médias.
Marine Le Pen a reçu en héritage une entreprise, qui se trouve être une entreprise politique de haine : le Front national. Raisonnant en cheffe d’entreprise, elle cherche surtout à accroître ses parts de marché en se présentant différemment, dans le cadre d’une opération médiatique dite de « dédiabolisation ». Mais pour qu’il y ait dédiabolisation, il faudrait qu’il y ait eu d’abord diabolisation, ce qui n’est pas le cas. C’est en réalité une tentative de banalisation de l’extrême droite qui est menée par Marine Le Pen, bien aidée par certains médias et « éditorialistes » qui écument les plateaux de télévision. C’est parce qu’ils vont à l’encontre de cette stratégie marketing que les propos de Jean-Marie Le Pen sont reniés par l’actuelle direction du FN. Néanmoins, sur le fond, cette opération de normalisation des apparences est menée sans renoncer aux fondamentaux d’extrême droite : la haine, le mensonge, les amalgames, etc.
Le FN version père était formé par une extrême droite d’il y a quarante ans, très politisée et véhiculant divers mensonges historiques afin de nier les responsabilités directes de l’idéologie d’extrême droite dans les crimes contre l’humanité commis pendant la Deuxième Guerre mondiale par la dictature nazie, avec la complicité active de l’Etat pétainiste. Le FN version fille est beaucoup plus dépolitisé, à l’image de son électorat, et l’histoire n’y intéresse plus grand monde : il leur suffit de parler d’autre chose, de botter en touche, tant ils sont surtout animés par une haine primaire, qui n’est pas développée dans une théorisation, et ils n’ont au fond pas de véritable idée précise de comment il faudrait exercer le pouvoir (mais il est certain que s’ils l’exerçaient, ce serait de façon autoritaire et dictatoriale).
Cependant, de véritables nostalgiques du régime de Vichy, du fascisme, etc., existent au sein du FN actuel, même s’ils sont sans doute minoritaires parmi les adhérents. Marine Le Pen a tout intérêt à rester dans le flou actuel en interne tant que la présence des fascistes n’est pas trop médiatisée, de même qu’elle reste dans le flou politiquement afin de ratisser plus large et de toucher un électorat désorienté et déçu par le PS et l’UMP.
La lutte contre l’extrême droite est une partie indispensable de notre action, mais elle doit aussi et surtout s’en prendre aux causes sociales qui font que le FN, et plus généralement son discours de haine, ont le vent en poupe.
Ne nous laissons pas leurrer par les changements dans la façon de présenter la politique de la haine, démasquons la tentative de banalisation de l’extrême droite. S’il est très peu probable que le FN puisse arriver par lui-même au pouvoir, il n’en est pas moins extrêmement dangereux. D’abord, parce que ses thématiques se diffusent depuis des années au sein d’autres partis. Ensuite, parce que le seul moyen réaliste pour le FN d’arriver au pouvoir serait de s’allier avec la droite traditionnelle – c’est comme ça que le parti nazi a pris le pouvoir en 19331 – et on ne peut avoir aucune certitude, puisqu’on a vu par le passé que l’UMP était prête à n’importe quelle ignominie.
Ce n’est pas tant de « vigilance » dont il y a besoin aujourd’hui, mais d’action sociale à la base, en partant des intérêts communs concrets de l’immense majorité de la population afin de mener des luttes collectives contre l’exploitation et l’aliénation. Ces luttes unissent les travailleurs, les précaires, les chômeurs, en tant que classe sociale, et ce quelles que soient leur nationalité, leur origine. C’est sur l’individualisme et le désespoir social que prospère la haine : attaquons le mal à la racine !
1 Sur cette prise du pouvoir par l’extrême droite nazie en Allemagne, voir notre brochure : Les Rapports de force électoraux dans la République de Weimar, Critique Sociale, 2013.