Du « burkini » comme cache-sexe des nouveaux Tartuffe antimusulmans
Je ne pensais pas avoir un jour à défendre un arrêté du Conseil d’Etat. Pourtant, force est de constater que sa décision de suspendre l’arrêté de Villeneuve-Loubet1, non seulement est « sage », mais aurait dû réduire à jamais une polémique montée en épingle par une droite – Valls compris – de plus en plus extrême.
Soyons clairs : voiler son corps au nom d’une quelconque injonction religieuse n’est certes pas le symptôme d’un rapport très libéré à son propre corps. Rappelons toutefois que ce mépris du corps n’est pas propre à la religion musulmane puisque l’Eglise catholique enjoint aux bonnes sœurs de porter des tenues autrement plus couvrantes que ledit burkini. Or, je n’ai pas eu vent ces derniers temps d’une religieuse verbalisée pour avoir porté cornette sur la voie publique ! Quant aux plages françaises, elles étaient dans les années 1930 encore pleines de bourgeoises couvertes de la tête aux pieds, et ce n’est que progressivement qu’elles ont tombé la capeline pour le bikini. Ce n’est donc pas contre elles-mêmes que l’on permet aux femmes de s’émanciper, mais par le combat politique. Tout en militant pour le féminisme et la laïcité, on ne peut pas se laisser abuser quand ils sont brandis comme prétextes par certains, depuis plus de dix ans, pour stigmatiser toujours la même religion et ses « fidèles », quitte à balayer la réalité de ce que vivent les femmes de toutes origines pour parvenir à se libérer de leurs chaînes. En matière de liberté individuelle et de droit des femmes, aucune religion n’est progressiste, pourtant la droite ne se revendique du « féminisme » et de la « laïcité » que quand le « misogyne » ou « l’intégriste » est musulman2.
L’argument des partisans de l’arrêté anti-burkini me paraît lui-même extrêmement fallacieux : il s’agirait de faciliter « le maintien de l’ordre » qui est une des fonctions du maire. On se retrouve ainsi dans la situation suivante : ce serait à la victime de la violence raciste de changer son comportement pour éviter d’autres incidents du même ordre. C’est comme si l’on interdisait aux jeunes femmes de porter une mini-jupe au nom de leur sécurité : pour éviter d’être violée, mets un vêtement bien couvrant. Mais c’est surtout le faible nombre de femmes portant réellement le burkini qui montre à quel point cette « affaire » ressemble à une tempête dans un verre d’eau : on est très loin d’un phénomène de société.
Argumentation bancale, hystérie raciste mal dissimulée sous une invocation à faux de la laïcité, qui n’a rien à voir avec ce qu’on porte (ou pas) sur la plage… On est bien loin d’un débat de fond sur les problèmes réels de la société d’aujourd’hui, mais bien dans la fabrication artificielle d’enjeux « sociétaux ». Avec, en toile de fond, la haine et le rejet des autres.
Clélie.