Poursuivons la lutte pour l’auto-émancipation !

Il y a un siècle, le 15 janvier 1919, Rosa Luxemburg était assassinée par des contre-révolutionnaires à Berlin. Si elle est toujours pour nous une référence essentielle, elle ne représente pas une pensée figée, mais une cohérence et des repères à poursuivre. Elle nous montre avant tout une méthode et des principes politiques fondamentaux : l’internationalisme, la démocratie ouvrière, l’indépendance de classe, l’auto-organisation des luttes.

C’est le but qu’elle défendait, c’est-à-dire l’objectif d’une société libérée de l’exploitation et de l’aliénation, qui constitue notre boussole politique. C’est la perspective d’un monde sans capitalisme, sans travail salarié, sans frontières, qui nous guide dans nos actions. Nous pensons que c’est de cette façon que l’on peut poursuivre, ici et maintenant, la lutte de Rosa Luxemburg pour l’auto-émancipation mondiale des exploités.

Nous avons conscience d’être à contre-courant complet dans le monde du Brexit, de Trump, de Poutine, de Salvini en Italie, de Bolsonaro au Brésil, etc. Les tendances au repli ont le vent en poupe ; les contre-vérités sont ouvertement utilisées comme bases politiques par des chefs d’État. Il n’y a pour autant pas de raison de désespérer : des luttes sociales continuent à se mener partout dans le monde, contre ces gouvernants, contre l’oppression capitaliste, contre le sexisme, contre le racisme. Par exemple, ces dernières semaines la politique antisociale et nationaliste de Orban est vivement combattue dans la rue en Hongrie.

En France, l’actualité sociale de ces dernières semaines a été monopolisée par le mouvement dit des « gilets jaunes ». S’il a démarré comme un mouvement d’automobilistes, il s’est ensuite développé avec des éléments de révolte légitime contre un macronisme qui ne dissimule pas sa haine de classe, en particulier avec le renforcement des inégalités (notamment par la baisse des aides au logement pour les classes populaires, pendant qu’un cadeau de plusieurs milliards d’euros par an était fait à la classe capitaliste avec la suppression de l’ISF). Une répression policière massive a été mise en place, avec des centaines d’arrestations « préventives ».

Mais une grande partie de ce mouvement s’est malheureusement enfermée dans des impasses, des thématiques complotistes. Le discours « anti-taxes » qui était porté passait trop souvent à côté des questions essentielles : qui paie les taxes ? Et à quoi sert l’argent ainsi récolté ? Ce n’est ni l’existence de taxes en soi, ni leur nombre qui pose problème : c’est l’injustice fiscale, c’est le fait que les plus privilégiés, les capitalistes, voient leurs fortunes grandir pendant que les classes populaires vivent trop souvent la précarité et les fins de mois difficiles.

Dans l’ensemble, ce mouvement a surtout été très varié, ainsi d’un rond-point à l’autre on pouvait entendre des points de vue opposés, et voir des formes d’organisation différentes. Au fond, de ce mouvement multiforme, il semble que beaucoup n’aient retenu que certains aspects et se soient ainsi fait « leur » mouvement des gilets jaunes, lui attribuant une cohérence qui n’était pas là.

Etre révolutionnaire, selon nous, c’est notamment ne jamais abdiquer son esprit critique. Il faut donc souligner que – même s’ils ne sont pas forcément représentatifs – toutes les figures qui ont émergé jusqu’ici de ce mouvement sont des complotistes, des réactionnaires. Certes, on peut toujours dire que ce sont ceux qui ont voulu se mettre en avant, donc les moins intéressants, mais ce n’est pas anodin. Il est trop tôt pour savoir quelle sera la postérité de ce mouvement, mais on peut – parmi d’autres possibilités – craindre un renforcement des courants droitiers et confusionnistes.

Or, pour changer radicalement la société, il faut la voir et l’affronter telle qu’elle est, et non au travers des déformations – voire des hallucinations – de diverses théories du complot. Ces dérives, qui n’ont néanmoins pas représenté l’ensemble du mouvement, mais qui ont été trop souvent présentes, trop souvent tolérées et banalisées, s’inscrivent justement dans le contexte mondial dont nous parlions de repli chauvin et de complotisme institutionnalisé.

Quel avenir maintenant de ces mobilisations ? Il nous semblerait grandement bénéfique que soit abandonné ce symbole d’apolitisme des « gilets jaunes », et que des contenus plus clairs soient mis en avant. Par une auto-organisation des travailleurs, des précaires, se constituerait un mouvement bien plus fort et bien plus rafraîchissant.

Les dernières mesures mises en place par le gouvernement pour aggraver le flicage des chômeurs sont très graves, et méritent de susciter une lutte unitaire pour obtenir leur abrogation. Il nous faut contribuer à former une unité sur cette question, sur des bases de classe claires, afin d’être efficaces et de l’emporter. Cela passera par une auto-organisation des chômeurs, et la lutte solidaire des autres travailleurs.

C’est en n’ayant aucune tolérance vis-à-vis des actes et propos racistes, antisémites, sexistes, homophobes ou complotistes, que l’on peut construire l’unité de la classe travailleuse pour en finir avec la violence du mode de production capitaliste.