Paul Frölich (1884-1953)

Paul Frölich est aujourd’hui principalement connu comme l’auteur d’une biographie de Rosa Luxemburg. Mais il était d’abord un militant révolutionnaire, et c’est dans ce cadre qu’il avait connu Rosa Luxemburg et qu’il avait partagé son engagement. Fuyant le nazisme, il a milité en exil à Paris de 1934 à 1939. Nous revenons brièvement sur son parcours militant, qui couvre toute la première moitié du XXe siècle.

Paul Frölich naît le 7 août 1884 à Leipzig, dans une famille d’ouvriers socialistes. Il adhère au SPD à l’âge de 19 ans, et devient employé à 20 ans, tout en suivant des cours du soir à l’université. Il devient ensuite journaliste dans la presse socialiste, en particulier pour la Leipziger Volkszeitung. Cela l’amène à suivre les cours de Rosa Luxemburg à l’école de Berlin du SPD. Il est également élu conseiller municipal SPD de la ville d’Altona, dans la banlieue de Hambourg.

Lorsque la guerre éclate en 1914, il est de ceux qui condamnent l’alignement sur le pouvoir qu’adopte la direction du SPD. Mobilisé, il est blessé, et pour cette raison se trouve démobilisé. Pouvant retrouver l’action militante, il se situe dans la minorité radicale d’opposition à la guerre. A ce titre il participe en avril 1916 à la Conférence socialiste internationale de Kienthal (en Suisse) qui se situe dans la lignée de la Conférence de Zimmerwald tenue début septembre 1915. Divers socialistes d’Europe s’y rassemblent pour maintenir l’internationalisme et le pacifisme contre la trahison des principaux partis de la Deuxième Internationale.

Membre de la Gauche radicale de Brême (Bremer Linksradikalen), Frölich participe avec Johann Knief à la création du journal Arbeiterpolitik. S’étant fait remarquer des autorités pour son action pacifiste, il est par mesure de répression mobilisé à nouveau. Interné à l’été 1918 pour antimilitarisme, il est libéré par la révolution allemande de novembre 1918, qui renverse la monarchie et instaure la République.

Paul Frölich participe avec les radicaux de Brême à la formation des Internationale Kommunisten Deutschlands (IKD, Communistes internationaux d’Allemagne), petit groupe qui rejoint fin décembre 1918 la Ligue spartakiste (Spartakusbund), dirigée par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, pour créer le Parti communiste d’Allemagne (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD). Paul Frölich prend part fin décembre 1918 au congrès de fondation du KPD. Il y est délégué de Hambourg, et se situe dans le courant « gauchiste » du congrès qui refuse la participation aux élections, courant qui obtient la majorité contre la direction spartakiste constituée de Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches, Paul Levi, Hugo Eberlein, etc. Frölich intervient dans le débat sur les syndicats pour préconiser de les quitter et de créer des « organisations unitaires », dont les militants dans les entreprises « forment la base »1.

Rosi Wolfstein, née en 1888, elle aussi ex-élève de Rosa Luxemburg à Berlin, est déléguée spartakiste de Düsseldorf au congrès. Paul Frölich devient par la suite son compagnon, et dès lors leur engagement politique sera toujours commun.

A la fin du congrès, Paul Frölich est élu à la centrale du KPD, de 12 membres. Il en fait partie jusqu’en 1920, puis de nouveau de 1921 à 1923. Très actif pendant toute la période révolutionnaire allemande, il prend part à la République des conseils de Bavière en 1919. Il échappe à la répression contre-révolutionnaire, mais doit vivre clandestinement. Il publie en 1919, sous le pseudonyme de Paul Werner, un livre sur la République des conseils de Bavière, plusieurs fois réédité depuis (mais toujours inédit en français) : Die Bayrische Räte-Republik, tatsachen und kritik2.

En mars 1921, il est élu député au Reichstag, jusqu’en 1924, puis à nouveau de 1928 à 1930. A l’été 1921 il est délégué au IIIe congrès de l’Internationale communiste, et intègre son Comité exécutif.

En 1922 une brochure de Paul Frölich est publiée en français : La Terreur blanche en Allemagne. Sa parution est annoncée dans L’Humanité du 20 septembre 19223. Frölich y dénonce la pratique régulière du meurtre politique par la droite nationaliste, « les bandes monarchistes et leurs organisations d’assassins »4, et la passivité du gouvernement face à ces agissements5, et même dans certains cas le fait que ce dernier en est à l’origine. Le gouvernement allemand suspend par contre des journaux communistes et interdit certains des rassemblements du KPD.

Frölich mentionne « une démonstration des trois partis ouvriers »6 le 26 juin 1922 à Hambourg, sans préciser quels sont ces trois partis : les deux premiers ne peuvent être que le KPD et l’USPD, mais le troisième pourrait être soit le KAPD soit le SPD7. Quoi qu’il en soit cela montre un minimum de front unique face aux réactionnaires, et l’absence de simplification sectaire de la part de Frölich – ce qui ne l’empêche évidemment pas de critiquer comme elle le mérite la politique de la direction du SPD, rappelant par exemple la responsabilité écrasante de Noske dans l’instauration de la violence politique, par la création des Corps francs et l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht le 15 janvier 1919.

Frölich dénonce l’armement et le financement des groupes contre-révolutionnaires, parmi lesquels le parti nazi. Il souligne en particulier la gravité de la situation en Bavière, où les contre-révolutionnaires « ont poursuivi méthodiquement l’oppression du prolétariat munichois », et où ils mènent « une propagande intense, nationaliste, antisémite et surtout antiouvrière. »8 Après un exposé concernant les groupements de droite et d’extrême droite et leurs sources de financement, il conclue que « la contre-révolution n’est pas uniquement l’œuvre de militaristes impénitents et de dilettantes de la politique ! Elle est l’œuvre entreprise par les banques, le capitalisme industriel et agraire et les grandes organisations de la Droite. »9

A partir de 1924, l’oligarchie régnante de l’URSS impose un changement d’orientation du KPD. Cette reprise en main par la bureaucratie fait que les opinions de Frölich deviennent minoritaires. Il se consacre alors à la formation, et à des études historiques. Surtout, il participe activement à l’édition des textes de Rosa Luxemburg : il écrit les présentations pour les tomes Gegen den Reformismus (1925) et Gewerkschaftskampf und Massenstreik (1928).

La stalinisation s’accentue au cours de la deuxième moitié des années 1920. Elle se traduit dans le KPD comme partout ailleurs par de nombreuses vagues d’exclusions, dont celle de Frölich en décembre 1928. Il participe alors avec d’autres exclus à la formation du KPD-Opposition, ou KPO (Kommunistische Partei Opposition). Le congrès de fondation se tient fin décembre 1928 à Berlin : exactement dix ans après le congrès de création du KPD, dans la même ville. Le nouveau parti est notamment dirigé par Heinrich Brandler et August Thalheimer, qui étaient comme Frölich membres de la première centrale du KPD.

Ces exclusions marquent également l’arrêt de l’édition des œuvres de Rosa Luxemburg. Le KPD, désormais politiquement et moralement détruit de l’intérieur par le stalinisme, se désintéresse des écrits de sa fondatrice.

A sa création, le KPO compte environ 5 000 adhérents. Conscient de l’importance du danger nazi, le parti propose l’unité d’action contre le fascisme et appelle à défendre les libertés fondamentales.

En 1930, le KPO impulse la création d’une Internationale de l’opposition communiste avec le Parti communiste de Suède (Sveriges Kommunistiska Parti, SKP), qui avait rompu avec le Komintern stalinisé en novembre 1929. D’autres groupes communistes d’Europe rejoignent la nouvelle structure.

Frölich participe à un ouvrage collectif consacré à la révolution allemande de 1918-1919, mais qui couvre en fait plus largement la période 1914-1920 : Illustrierte Geschichte der deutschen Revolution, qui est publié en 1929 (ce livre n’a toujours pas été traduit en français).

En 1931 est créé le Parti socialiste ouvrier d’Allemagne (Sozialistischen Arbeiter-Partei Deutschlands, SAPD, ou plus couramment SAP). Ce nouveau parti se constitue autour d’exclus du SPD et de Der Klassenkampf, revue du courant révolutionnaire au sein du SPD (à laquelle participèrent notamment Paul Levi et Max Adler). Le SAP, organisation socialiste révolutionnaire, rassemble 25 000 adhérents en 1932. Une partie importante mais néanmoins minoritaire des militants du KPO, dont Frölich, sont pour la fusion avec le SAP. Les minoritaires critiquent également la direction du KPO qui était insuffisamment critique du stalinisme. Exclus du KPO en janvier 1932, un millier de militants dont Frölich, Rosi Wolfstein et Boris Goldenberg, rejoignent le SAP en février 1932.

En phase avec les priorités de l’heure, le SAP milite pour le front unique contre les nazis, mais se heurte au refus des appareils stalinien (KPD) et social-démocrate (SPD).

Début janvier 1933, le danger nazi ne cesse de s’accroître. Le 29 janvier au cours d’une manifestation socialiste à Berlin, un témoin remarque « un spectacle nouveau. Le SAP, formé en une colonne indépendante, arborant le portrait de Rosa Luxemburg, appelle, dans un choeur parlé inlassablement répété, au front unique : « SPD, KPD, SAP doivent marcher ensemble ». La gauche nous donne un espoir… »10Mais le SAP est créé depuis à peine plus d’un an, donc encore peu connu, et compte beaucoup moins de militants que les SPD et KPD. L’orientation du SAP a beau être globalement juste, son audience auprès des masses reste faible11. L’unité du mouvement ouvrier ne se réalise pas, Hitler est nommé chancelier le 30 janvier, et en quelques semaines la défaite est totale. Les nazis contrôlent désormais l’Etat et répriment par la terreur les syndicalistes, les communistes et les socialistes.

S’étant préparé à l’illégalité, le SAP parvient, malgré tout, à réunir un congrès clandestin début mars 1933 près de Dresde. Les délégués décident de continuer l’action politique de résistance dans la clandestinité. D’autre part, les dirigeants les plus connus doivent s’exiler pour échapper à l’arrestation et pour maintenir une liaison depuis l’étranger avec les groupes intérieurs. Frölich tente de passer au Danemark avec l’aide d’un jeune militant du SAP, qui se trouve être Willy Brandt (futur chancelier de la RFA). Mais l’opération échoue, Frölich étant reconnu12. Arrêté, il est interné fin mars 1933 au camp de concentration de Lichtenburg.

Libéré en décembre 1933 (selon Jacqueline Bois : « Paul Frölich est libéré par hasard et réussit à s’enfuir d’Allemagne »13), il passe en Tchécoslovaquie, puis en Suisse, et arrive en France le 18 mai 1934.

Des militants révolutionnaires parisiens apportent leur aide aux exilés du SAP14, dont René Lefeuvre, Daniel Guérin, ou encore Simone Weil. Cette dernière, qui évoluait à l’époque dans les milieux syndicalistes révolutionnaires et communistes anti-staliniens, avait connu Frölich et Wolfstein à Berlin avant la dictature nazie. Frölich fut un temps hébergé chez les parents de Simone Weil à Paris, en 1934. Il rejoignit ensuite Rosi Wolfstein qui était réfugiée en Belgique, avant de revenir en France en octobre 1934.

Simone Weil essaya d’aider Frölich à trouver des traducteurs pour publier un livre en français15 ; le projet n’aboutit pas, mais on peut se demander s’il ne s’agissait pas déjà du projet de biographie de Rosa Luxemburg.

Depuis Paris, Paul Frölich tient un rôle important dans la résistance allemande contre le nazisme. Un rapport des Renseignements généraux du 1er mars 1937 indique que « Frolich reçoit à son domicile de nombreuses visites d’Allemands, et un volumineux courrier, provenant généralement de l’étranger. »16 Il participe aux revues du SAP Neue front, « Organ für proletarisch-revolutionäre sammlung », et Marxistische tribune.

Selon un rapport de la police française, Frölich aurait également été membre du groupe Neu Beginnen, mais les informations provenant de cette source sont souvent douteuses (ainsi Rosi Wolfstein est décrite en 1939 comme « militante du parti communiste allemand », dont elle était pourtant exclue depuis 10 ans…).

Frölich et Wolfstein vivent en France dans une situation semi-officielle. Ils font régulièrement des demandes pour être autorisés à résider en France de façon durable, mais on leur accorde à la place des autorisations de séjour de durée limitée, de 3 mois renouvelable17.

La situation de Rosi Wolfstein est sans doute compliquée par les autorités françaises, en raison de sa participation en janvier 1923 à un meeting communiste à Paris contre le traité de Versailles et contre l’occupation de la Ruhr par l’armée française18. La police avait à l’époque essayé de l’arrêter, avec des moyens importants puisque des filatures de communistes français furent organisées, mais les militants furent plus astucieux et Wolfstein fut exfiltrée avec succès au nez et à la barbe des autorités françaises.

Ainsi, Wolfstein se trouve obligée de passer clandestinement de la Belgique à la France en 1935, puis de nouveau en juin 1936. Frölich et Wolfstein habitent au 84 rue Jullien, à Vanves (en banlieue parisienne) ; plus tard ils habitent toujours à Vanves, au 16 avenue Victor Hugo.

Frölich continue de consacrer l’essentiel de son activité à la lutte contre le nazisme. La police française note qu’il est « de nationalité indéterminée », autrement dit apatride, ce qui signifie sans nul doute qu’il a été déchu de sa nationalité allemande par le régime nazi.

Il est surtout actif au sein du SAP, qui est à l’époque membre d’une petite Internationale socialiste révolutionnaire, dont le secrétariat était assuré par le Parti travailliste indépendant britannique (ILP), d’où son appellation courante de « Bureau de Londres ». La direction en exil du SAP maintient donc un contact avec les autres organisations du Bureau de Londres.

A en croire un rapport de police, Frölich est aussi « correspondant à Paris des journaux à tendance socialiste Folkets Dagblag et Arbeiter Zeitung, organes suédois et suisses, ainsi que du quotidien radical américain New York Post. » Toujours selon un rapport de police, Wolfstein participe elle aussi « à divers journaux anti-hitlériens paraissant en France, en Suède, en Suisse. »

A l’initiative de Boris Souvarine, Frölich participe à un projet de l’Institut International d’Histoire Sociale (IIHS) d’Amsterdam, qui vise à récolter les mémoires politiques de figures du mouvement ouvrier. Son manuscrit de plus de 300 pages est achevé en 1938 ; toujours inédit à l’heure actuelle, le texte reste conservé par l’IIHS19.

Après des années de travail, c’est en 1939 que Paul Frölich publie sa biographie de Rosa Luxemburg : Rosa Luxemburg, Gedanke und Tat. Elle est éditée en allemand à Paris, par une maison d’édition créée par des exilés allemands : les Editions nouvelles internationales20. C’est la première biographie fiable de Luxemburg, importante tant comme recherche historique que politiquement, et elle est rapidement traduite en plusieurs langues (mais seulement 26 ans plus tard en français). Pour notre part, nous la considérons encore comme la biographie de Luxemburg à lire en priorité.

Mais à peine le livre a-t-il paru, que la déclaration de guerre survient. Le gouvernement français décide alors d’interner les militants allemands anti-nazis exilés en France. Il faut souligner l’ignominie et la stupidité du gouvernement français, qui enferma des réfugiés politiques – qui plus est militants aguerris de la lutte contre le nazisme ! – sous le prétexte que la France était en guerre contre l’Allemagne nazie…

Paul Frölich et Rosi Wolfstein sont arrêtés le 2 septembre 1939 et emprisonnés, le premier à la prison de la Santé, la seconde à la prison pour femmes de la Petite Roquette. Frölich est interné le 11 octobre 1939 au camp du Vernet (dans l’Ariège), et Wolfstein le 17 octobre 1939 au camp de Rieucros (en Lozère). Frölich aurait été libéré le 7 février 1940, mais un courrier du préfet de police du 12 février le mentionne toujours comme « interné au Camp du Vernet ». Quoi qu’il en soit, il est par la suite envoyé en mai 1940 au camp de Bassens (en Gironde).

On lit dans un rapport de la police française de septembre 1940 que « Frölich peut être considéré comme suspect au point de vue politique et dangereux pour l’ordre public et la sécurité nationale », et dans un rapport de police de janvier 1941 que Wolfstein est une « journaliste et propagandiste communiste dangereuse pour l’ordre public ».

Grâce à l’action de l’Emergency Rescue Committee de Varian Fry21, Frölich et Wolfstein purent finalement se réfugier en 1941 à New-York.

Fin 1948, toujours aux Etats-Unis, Frölich rédige une préface pour la deuxième édition allemande de son Rosa Luxemburg22, où il écrit que pour elle comme pour lui, « le but du socialisme, c’est l’homme, c’est une société sans différences de classes où les hommes forgent en commun et librement leur destin. […] Le socialisme, c’est la démocratie achevée, le libre développement de la personnalité individuelle dans l’action commune avec tous pour le bien de tous. »23

Il rentre en Allemagne en 1950, à Francfort (Allemagne de l’Ouest), où il milite à l’aile gauche du SPD. Il continue de travailler à un ouvrage sur l’histoire de la Révolution française de 1789, qu’il n’eut pas le temps d’achever : il meurt le 16 mars 1953. Ses manuscrits sur ce sujet ont cependant été publiés en 1957.

Notice sur Frölich parue dans la revue La Révolution prolétarienne en mai 1953 (ce texte comprend quelques erreurs ; mais nous le reproduisons tel quel, à titre documentaire) :

« Paul Frölich vient de mourir à Francfort-sur-le-Mein. Il avait 69 ans.

Né a Leipzig le 7 août 1883, il avait de nombreux frères et sœurs. Famille ouvrière et de tradition socialiste : son père appartenait au mouvement et avait lutté contre « la loi anti-socialiste de Bismarck ». Dès sa prime jeunesse Paul fut mêlé au mouvement. Pendant la première guerre mondiale il collabora au « Leipziger Volkszeitung », organe principal de la social-démocratie, au « Hamburger Echo » et au « Bremer Bürgerzeitung » ; il fut des socialistes qui luttèrent, avec ce que cela comportait de risques, contre l’impérialisme wilhelmien, dans les groupements de gauche rassemblés autour de l’« Arbeiterpolitik ».

Dans les luttes révolutionnaires de 18-19, Paul Frölich appartint à l’avant-garde qui se battit courageusement pour une Allemagne socialiste. Il fut un des fondateurs du mouvement communiste allemand : il était l’un de ses meilleurs orateurs, l’un de ses meilleurs écrivains.

Il connut aussi, à cette époque, les persécutions politiques, la vie dans l’illégalité, la prison.

De 1921 à 1924 il fut député au Reichstag.

Son esprit critique devait le faire entrer en conflit aigu avec le groupe dirigeant du parti communiste. Cela dura des années. Puis en 1928 il dut, avec un groupe de militants influents, se séparer définitivement du parti.

Il tenta à plusieurs reprises dans divers groupes oppositionnels d’agir sur le parti en dégénérescence. Finalement, avec son groupe, il rejoignit le parti social-démocrate.

En mars 33, après la prise du pouvoir par les nazis il fut arrêté et connut, jusqu’à décembre, les prisons et les camps de concentration. Il émigra en France où il fut arrêté de nouveau en 1939 et interné au tristement célèbre camp du Vernet. A la défaite de la France, en 1940, il put gagner les U.S.A. avec un visa d’urgence. Il rentra en Allemagne en 1950.

Vivant à Francfort depuis 1951, il y avait repris son activité de journaliste. Il s’intéressait particulièrement à la jeunesse, soit dans les écoles syndicales, soit au sein du S.P.D. Sa culture, son expérience et son dévouement trouvaient à s’employer au bénéfice de la classe ouvrière.

Par ses nombreuses brochures, par ses travaux historiques et théoriques, P. Frölich a contribué au monument de la littérature prolétarienne. Il est le véritable héritier de Franz Mehring.

Parmi ses œuvres, citons : « Dix ans de guerre et de guerre civile » (1918-1928), une « Histoire illustrée de la Révolution allemande de 1848 », ses « Portraits littéraires et politiques, de Danton à Eugen Levine ». Paul Frölich était l’éditeur des œuvres de sa grande camarade de lutte Rosa Luxembourg, dont il écrivit une biographie traduite dans plusieurs langues et réimprimée en Allemagne en 1948. »24

Textes de Paul Frölich traduits en français :

* Paul Frölich, La Terreur blanche en Allemagne, Petite bibliothèque communiste, Paris, 1922, 63 pages.

* Paul Froelich, « Rosa Luxembourg et la grève générale », introduction de 6 pages dans : Rosa Luxembourg, Grève générale, parti et syndicats, Spartacus, Paris, 1947. Traduction de la présentation de Frölich par Berthe Fouchère.

* Paul Frölich, Rosa Luxemburg, sa vie et son œuvre, Maspero, Paris, 1965, 390 pages. Traduction par Jacqueline Bois. Réédition L’Harmattan, Paris, 1991 (il s’agit d’une réimpression de l’édition de 1965 ; cette traduction était logiquement basée sur la deuxième édition allemande, de 1949 – mais depuis Rosi Wolfstein a publié une troisième édition allemande, en 1967).

1 « Constitution du Parti Communiste d’Allemagne, 30 décembre 1918 – 1er janvier 1919 » (procès-verbal des débats du congrès), dans : André et Dori Prudhommeaux, Spartacus et la Commune de Berlin, 1918-1919, Editions Spartacus, Paris, 1977, pp. 53-54.

2 Le texte est daté d’août 1919. La préface à la deuxième édition est datée de janvier 1920. La brochure s’achève par les derniers mots du dernier article de Rosa Luxemburg : « Ich war, ich bin, ich werde sein ! » (« J’étais, je suis, je serai ! »).

3 Frölich indique dans le texte que « quelques semaines se sont écoulées depuis l’assassinat de Rathenau sans qu’une lutte sérieuse contre la réaction ait été entreprise » ; Walther Rathenau ayant été assassiné le 24 juin 1922, cela implique que la brochure a probablement été achevée fin juillet, puis traduite en français en août.

4 Paul Frölich, La Terreur blanche en Allemagne, Petite bibliothèque communiste, Paris, 1922, p. 20.

5 « un gouvernement totalement impuissant devant les menées réactionnaires. » (Idem, p. 57)

6 Idem, p. 22.

7 Frölich reproduit un appel commun SPD-USPD-KPD-syndicats du 27 juin 1922 contre les menées nationalistes et monarchistes (déclaration qui a pour but selon Frölich de « constituer le front unique du prolétariat »), ce qui tend à privilégier l’hypothèse que ce troisième parti est le SPD.

8 Idem, p. 29.

9 Idem, p. 54.

10 Juan Rustico, 1933 : la tragédie du prolétariat allemand, Spartacus, Paris, 2003, pp. 33-34. Ce témoignage de Juan Rustico, pseudonyme du communiste anti-stalinien Hippolyte Etchebehere, a été originellement publié dans la revue Masses en juin et juillet 1933.

11 Lors des élections législatives de juillet 1932, le SAP ne recueille que 72 630 suffrages, soit 0,2 % des voix (mais sans doute ne présente-t-il pas des candidats dans toutes les circonscriptions). Le SPD a 21,6 % des voix, le KPD 14,3 %.

12 Willy Brandt, Mémoires, Albin Michel, Paris, 1990, p. 83.

13 « Préface de la traductrice », dans Rosa Luxemburg, sa vie et son œuvre, Maspero, Paris, 1965, p. 9.

14 Les exilés du SAP sont alors appelés les « sapistes ».

15 Voir : Simone Pétrement, La Vie de Simone Weil, Fayard, Paris, 1997.

16 Archives de la Préfecture de police, rue de la Montagne-Geneviève à Paris, dossier Ba2002 consacré à Rose Wolfstein et Paul Frölich. L’ensemble des rapports de police cités dans notre article sont extraits de ce dossier.

17 Décision du Préfet de police, 18 septembre 1936.

18 Voir L’Humanité du 4 janvier 1923 : « Une communiste allemande vient affirmer la solidarité des deux prolétariats » en page 1, et le résumé de l’intervention de Wolfstein en page 2. Dans L’Humanité du 5 janvier est publiée une photo du meeting, et dans le numéro du 6 janvier une photo de Rosi Wolfstein.

19 Cf : www.iisg.nl/archives/nl/files/f/11016215.php ainsi que les précisions qui nous ont été communiquées par l’IIHS, e-mail du 21 janvier 2011. Le texte a depuis été publié, voir : Les Mémoires politiques de Paul Frölich.

20 L’ouvrage sortit des presses de l’imprimerie Berstein, 3 impasse Crozatier (dans le 12e arrondissement).

21 Sur l’action de Fry, voir : Varian Fry, Livrer sur demande, Agone, Marseille, 2008, préface de Charles Jacquier.

22 Qui est donc la première édition publiée en Allemagne, en l’occurrence à Hambourg.

23 Paul Frölich, Rosa Luxemburg, sa vie et son œuvre, op.cit., pp. 19-20.

24 La Révolution prolétarienne n° 373, n° 72 de la nouvelle série, mai 1953, p. 21. Le texte n’est pas signé.