Mais il faut qu’Obama aille nettement plus loin. D’une part les responsables des violations des droits de l’homme à Guantanamo doivent être jugés. Ensuite, il doit procéder à la rétrocession de cette enclave à Cuba. Obama a également à décider la levée intégrale de l’embargo des Etats-Unis contre Cuba, qui aggrave les conditions de vie des travailleurs sans affecter celles des dirigeants.
Evidemment, mettre l’accent sur ces nécessités ne doit pas empêcher la critique du régime cubain du point de vue des travailleurs.
Pour cela, il faut commencer par faire un détour historique. Peu après le renversement du dictateur Batista en 1959, Castro, confronté à l’hostilité d’un impérialisme tout proche (les USA), se plaça – en partie poussé par les circonstances – sous la protection de l’impérialisme concurrent : l’URSS1. Il en adopta alors une partie du fonctionnement et du mécanisme de propagande. Ainsi, depuis 50 ans Cuba est resté une société divisée en classes sociales, et n’a aucun rapport (même lointain) avec le socialisme.
Depuis la disparition du « grand frère », Cuba a conservé pour l’essentiel la même économie capitaliste d’Etat2, mais sa situation économique a empiré. Le régime castriste est à la recherche de nouveaux débouchés. D’où la possibilité d’une détente avec les USA, à la faveur de l’arrivée d’Obama au pouvoir.
S’il s’agit de faire stopper l’embargo des Etats-Unis, on ne peut que s’en réjouir. Mais ne nous y trompons pas : l’intérêt des travailleurs de Cuba n’est ni dans le statu-quo, ni dans le retour dans le giron des USA avec adoption de son « modèle ».
Il faut naturellement en finir avec la dictature : il s’agit de remplacer le règne du Parti unique par la démocratie directe, par le pouvoir aux travailleurs.
Les avancées cubaines en matière d’éducation et de santé doivent évidemment être conservées. Par contre, la sur-exploitation, avec par exemple le recours au salaire aux pièces, doit cesser3. – puis, dans le cadre d’un changement mondial de société, ce sont toutes les formes d’exploitation qui devront cesser.
Le plus souhaitable serait une révolution sociale contre l’exploitation et la dictature, contre le pouvoir de l’armée, contre toute domination impérialiste. Les travailleurs de Cuba, comme tous ceux du monde entier, ne peuvent pas attendre leur émancipation d’un gouvernement quel qu’il soit.
Seule la lutte autonome des travailleurs contre le régime peut permettre la fin de la dictature capitaliste d’Etat et son remplacement par la démocratie réelle et une organisation sociale plus juste.
1 C’est ce que notait le groupe Socialisme ou Barbarie dès 1963 : « l’aide fournie par les Russes s’est révélée crûment sous son vrai jour. Elle est apparue comme de même nature en profondeur que l’aide américaine, c’est-à-dire comme un des éléments de la lutte impérialiste qui oppose les deux blocs. » (« La crise cubaine », Socialisme ou Barbarie n° 34, mars-mai 1963, p. 82).
2 Une des premières analyses marxistes montrant que le régime castriste a instauré un capitalisme d’Etat : Boris Goldenberg, « Bemerkungen zum Charakter der kubanischen Revolution », Gewerkschaftlichen Monatsheften, août 1960, en particulier pp. 462-463. Une autre critique du stalinisme cubain : Charles Reeve, « Prisons et société à Cuba », Spartacus n° 6, juin-juillet 1977, pp. 13-15.