La crise actuelle du capitalisme a éclaté il y a maintenant deux ans, avec la crise des subprimes, et s’est largement aggravée il y a un an à partir de la faillite de la banque Lehman Brothers 1.
Certains soi-disant « experts », plus ou moins directement intéressés financièrement à la mystification des masses à laquelle ils participent, nous annoncent régulièrement la fin de la crise – et ce quasiment depuis son commencement en juillet 2007, et en tout cas depuis bien avant son paroxysme de septembre 2008.
Exemple parmi d’autres, il y a quelques semaines un de ces pseudo-experts de télévision expliquait tranquillement que les traders prennent des risques, et donc qu’ils méritent de toucher de très importants bonus financiers. La question lui fut posée : quels sont ces risques ? Réponse : par exemple, le risque de ne pas recevoir de bonus. Voilà qui est d’une logique admirable, digne sans nul doute de Raymond Devos : il faut donner des bonus aux traders pour les récompenser du fait qu’ils prennent le risque de ne pas toucher de bonus… C’est pourtant ce type d’argumentaire, lâché sur le ton du plus grand sérieux, qui assure le soutien médiatique de l’organisation du système financier actuel.
Mais dans la réalité la crise se poursuit, et affecte les conditions de vie d’une part très importante de la population mondiale. L’actuel « embellissement » de la situation pour les dirigeants des banques et les traders, dont l’avenir proche nous dira s’il est momentané ou non, s’obtient par la dégradation pour la majorité. On voit les conséquences de cette logique, en particulier avec l’accroissement du chômage partout dans le monde.
La classe capitaliste a pour le moment réussi à imposer cet étrange principe, qui veut que pour sauver le système financier du séisme de la crise, il faudrait sauver l’oligarchie qui est à sa tête – quand bien même c’est cette même oligarchie capitaliste et politique qui a entraîné la crise. Le maintien de leurs privilèges a un prix, qui passe par un mécanisme de socialisation des pertes. Les coupables de la crise actuelle semblent se venger sur ceux qui étaient déjà hier leurs victimes, en leur faisant payer encore plus afin de ne pas subir, eux, les effets de la crise qu’ils ont eux-mêmes provoqué.
Il y a un an, c’était la saison des annonces sur une « réforme » du capitalisme, et sa mythologique « moralisation » ; on voit ce qu’il en est aujourd’hui. Il pouvait d’ailleurs difficilement en être autrement, le capitalisme étant un système qui ne peut pas exister hors de sa logique de réalisation de profits par l’exploitation des travailleurs. Les financiers ont obtenu que l’intervention des Etats ait un caractère transitoire – ou du moins c’est ce qui est prévu pour le moment. Pour certains grands groupes, la crise a même un effet d’aubaine, leur permettant de licencier plus facilement.
Les capitalistes agissent donc pour que rien ne change, quitte à faire repartir la spirale qui a amené la crise. Le capitalisme a généralement en vue le profit à court terme, et se préoccupe peu des conséquences à long terme. De plus, les capitalistes ont vu depuis plus d’un an (et surtout depuis septembre 2008) les Etats courir à leur secours avec des milliards d’aides, de prêts, de recapitalisation, etc.
Le casino peut donc repartir comme avant : si les joueurs font sauter la banque, ils peuvent à raison penser que les Etats utiliseront de toute façon l’argent public pour permettre une fois de plus au système de se poursuivre.
Mais la crise est loin d’être finie. Et il existe au sein du système capitaliste des forces qui peuvent parfois imposer un cours opposé à ce qui est induit par la logique interne du capitalisme. L’intervention d’un fort mouvement auto-organisé des travailleurs peut radicalement changer la donne.
1 Voir : « Crise du capitalisme », Critique Sociale n° 1, octobre 2008.
Version complète de cet article dans Critique Sociale n° 7.