Les gouvernements durcissent leur politique de classe

Partout dans le monde, les gouvernements répondent aux exigences de la classe capitaliste (connue dans le langage médiatique sous l’appellation : « les marchés »1) en faisant peser par divers biais le coût de la crise du capitalisme sur ceux qui n’en sont en rien responsables, et qui du reste la subissent déjà : les travailleurs, les chômeurs, etc. C’est de la part des classes dirigeantes une politique de lutte de classe, autrement dit une politique favorable à une seule classe sociale, au détriment des classes travailleuses et populaires.

La crise du capitalisme a de multiples conséquences, parmi lesquelles le fait qu’une part des classes dirigeantes sont mises sous pression. Cette tension est reportée par elles vers la majorité de la population : les travailleurs, au sens large du terme. Les apparences deviennent plus difficiles à conserver. Les masques tombent, et ceux qui accusent le mouvement ouvrier de pratiquer la lutte de classe, la pratiquent de façon plus évidente. Avec cette différence fondamentale : alors que la lutte de la classe sociale majoritaire vise à la justice sociale, la lutte de classe de la minorité dirigeante vise à conserver leurs privilèges au détriment des travailleurs.

Les symboles révélateurs ne manquent pas : ainsi, 80 % des membres du nouveau gouvernement britannique sont des millionnaires. Une de ses premières mesures a été l’annonce de l’augmentation de la TVA, impôt injuste qui touche d’abord les classes populaires…

En france, l’affaire Woerth-Bettencourt – au delà de ses détails et des personnes impliquées – a rappelé certaines réalités concernant la structure de la société actuelle. Une héritière milliardaire qui finance le parti au pouvoir, pratique la fraude fiscale, et touche 30 millions d’euros de bouclier fiscal en 2008 : cela doit nous faire comparer avec le fait qu’il faudrait 2.370 années à un smicard pour gagner une telle somme (c’est-à-dire avoir commencé à travailler avant la naissance d’Alexandre le Grand, et ne jamais avoir cessé depuis). Cette somme a été obtenue par une rentière sans rien faire, en supplément de ses revenus annuels de plusieurs centaines de millions d’euros, qui s’ajoutent eux-mêmes à une fortune de 15 milliards d’euros2.

Face à cette affaire embarrassante, avec entre autres la possibilité d’un financement illégal de la dernière campagne présidentielle, le pouvoir en place n’a trouvé comme réponse que le recours à la théorie du complot3 : Eric Woerth a agité l’épouvantail d’une « cabale », François Fillon a parlé de « manipulation », et selon Nicolas Sarkozy le 12 juillet dernier : « derrière tout ça, y’a des officines » [sic]. Lors de cette même émission télévisée du 12 juillet, Sarkozy s’est montré très fier d’avoir supprimé 100.000 postes de fonctionnaires depuis 2007, et a annoncé qu’il en supprimerait 34.000 de plus en 2011. Parallèlement, une baisse du salaire réel des fonctionnaires a été annoncée pour les prochaines années. Tout cela montre que la riposte des travailleurs ne peut pas attendre 2012 : c’est maintenant qu’il s’agit de faire cesser cette saignée sociale. Sarkozy a montré son arrogance et son mépris quand il a déclaré qu’il ne tiendrait pas compte des manifestants : mais une mobilisation forte et structurée dans la durée le ferait mentir.

Dès la rentrée, une mobilisation s’annonce face au projet de contre-réforme des retraites, qui est très largement reconnu comme injuste. De plus, cette mesure de régression sociale ne pourrait qu’accroître encore un chômage déjà très élevé : il y a actuellement 10% de chômeurs en france (chiffre d’ailleurs identique à la moyenne de l’ensemble de la zone euro4), et le nombre des chômeurs de plus de 50 ans a augmenté de 17,9 % en un an5.

La journée de manifestation du 24 juin a rassemblé 2 millions de personnes, ce qui constitue un succès : réunir deux millions de manifestants à cette période de l’année et sans contexte de mobilisation dans la durée6 – hélas ! -, c’est un signe de l’existence évidente d’un potentiel de combativité. Cela montre le vaste rejet de ce projet de contre-réforme du gouvernement, qui n’est en fait ni plus ni moins qu’une attaque contre le droit des travailleurs à une retraite correcte à partir d’un âge décent. Le mot d’ordre émanant des manifestants du 24 juin était celui du retrait de ce projet, quelles que soient par ailleurs les positions officielles des « directions ». Revenir sur les allongements de durée de cotisation, et bien sûr empêcher toute nouvelle aggravation, est indispensable ; cela pourrait être accompagné de l’exigence d’augmentation importante des salaires et des minimas sociaux.

Pour arriver à battre le gouvernement, il faudrait dès la rentrée une grève générale construite dans la durée sur le mot d’ordre clair du retrait total de la contre-réforme des retraites. Des Assemblées Générales, unissant tous les travailleurs par secteur de travail d’une part, et par zone géographique d’autre part, dès début septembre pour organiser la mobilisation : il semble à l’heure actuelle qu’il n’y ait pas d’autre moyen pour éviter une nouvelle défaite du camp des travailleurs.

1 Ces « marchés » agissant entre autres par l’intermédiaire des « agences de notation », qu’ils ont créées et qu’ils financent.

2 Smic mensuel net de 1055 euros. Pour arriver à 15 milliards d’euros, il faudrait 1,2 millions d’années de Smic (autrement dit : avoir commencé à travailler avant l’apparition de l’Homo erectus).

3 Et, tout récemment, la diversion au moyen d’une dérive raciste – le but étant, outre de faire oublier l’affaire Woerth-Bettencourt, de détourner l’attention des problèmes sociaux réels, et de « diviser pour mieux régner ».

4 Eurostat, « Le taux de chômage stable à 10,0% dans la zone euro », communiqué du 30 juillet 2010. Il y a selon ces chiffres plus de 23 millions de chômeurs dans l’Union Européenne.

5 Chômeurs de plus de 50 ans de catégories A, B et C, en france métropolitaine : 593.300 en juin 2009, 689.900 en juin 2010 (Dares indicateurs n° 48, juillet 2010, p. 5, publié sur le site internet du Ministère du travail).

6 Sur ces journées isolées de manifestation, voir « Printemps 2009, l’inefficacité des directions « syndicales » », Critique Sociale n° 7, septembre 2009.