Pendant ce temps-là, à Pôle emploi

Pôle emploi est le résultat de la « fusion » entre l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) et les ASSEDIC (Associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce – vieux nom de l’entité chargée de verser leurs indemnités aux chômeurs) – fusion, comme on dit, ni faite ni à faire. Il s’agit, en clair, de l’organisme de gestion du flux grandissant de chômeurs1.

Non seulement le gouvernement supprime des dizaines de milliers d’emplois publics, ce qui entre autres effets néfastes accroît d’autant le chômage, mais maintenant il supprime aussi des postes à Pôle emploi2 – cela dans une situation où le nombre de chômeurs continue d’augmenter : sur les mois de septembre et octobre 2010 il y a eu 17 500 chômeurs de plus en france, soit un total de 4 234 300 chômeurs. Depuis le début de l’année, alors que le nombre de chômeurs augmente, le nombre de chômeurs indemnisés recule !3

A quoi occupe-t-on donc tous ces chômeurs ? De plus en plus, les conseillers de Pôle emploi n’ayant ni le temps ni les moyens de faire leur métier, les chômeurs sont redirigés vers des « prestations » d’organismes privés. C’est, au passage, encore un nouveau biais pour saper les services publics.

Voici quelques extraits entendus en novembre 2010 lors de l’un de ces « ateliers recherche d’emploi », organisé par un sous-traitant privé devant des chômeurs envoyés par Pôle emploi : le chômeur doit être « vraiment dans une démarche marketing […] on identifie le produit, le service, c’est-à-dire vous. » Il faut avoir une « attitude pro-active » (variante : « vous devez faire preuve de pro-activité »), en pratiquant « le networking, tout ce qui est le réseautage ». Il faut « évaluer » son « portefeuille de compétences », « soigner sa présentation, sa communication », tout ça pour mieux « se vendre ».

Certains mots ne veulent rien dire ? C’est fait pour : comme il n’y a pas de travail, il faut bien occuper les gens – et ceux qui ne viennent pas à ces séances de n’importe quoi seront radiés : c’est toujours ça de moins dans les statistiques (rappelons que Pôle emploi procède à environ 450 000 radiations administratives par an).

Cette politique de sous-traitance consiste à donner de l’argent au privé, et à balader les chômeurs dans des « prestations » inutiles. Mais ce n’est pas seulement une absurde perte de temps, c’est aussi un moyen de formatage insidieux – qui est présent aussi dans certains discours-types de Pôle emploi. Il s’agit de faire intégrer aux chômeurs qu’ils sont une marchandise qu’ils se doivent de proposer sur le marché du travail salarié, en utilisant des techniques publicitaires : il faudrait par exemple « s’entraîner » à faire sa « PP2M », c’est-à-dire une « présentation personnelle en 2 minutes » ! Encourager la concurrence entre chômeurs se fait au détriment de la solidarité, et évidemment ne diminue en rien le chômage.

Ce conditionnement des chômeurs constitue un système de violence sociale. L’institution Pôle emploi est à ce niveau, de facto, organisée contre les chômeurs, quelle que soit par ailleurs la bonne volonté des salariés qui y travaillent. Le but est que le maximum de chômeurs « quittent le dispositif » : c’est-à-dire qu’il faut en sortir le plus possible des chiffres et des statistiques du chômage, par n’importe quel moyen (stages, « prestations » par des organismes privés, radiations, et – ça arrive parfois – par le fait de trouver un travail, le plus souvent précaire). On retrouve d’ailleurs le même principe vis-à-vis des allocataires du RSA (Revenu de solidarité active, système qui a remplacé le RMI).

Du fait de l’organisation économique, il n’y a pas assez d’emplois pour tous, ce qui entraîne un chômage massif et durable. Cela fait partie du très lourd bilan du système capitaliste, avant même la crise qui dure depuis 2007, qui ne fait qu’aggraver encore plus une situation qui était déjà très mauvaise depuis longtemps.

1 Voir : « La société du chômage de masse », Critique Sociale n° 3, décembre 2008.

2 Les salariés de Pôle emploi ont d’ailleurs fait grève le 9 novembre 2010 contre cette suppression de 1800 postes.

3 Dares indicateurs n° 70, octobre 2010, pp. 1 et 7, et Dares indicateurs n° 79, novembre 2010, publiés sur le site internet du Ministère du travail ( travail-solidarite.gouv.fr ).