Les structures sociales de domination sont autant de verrous sur la société. Le mouvement réel pour faire sauter ces verrous se manifeste ces derniers mois avec un début de succès dans plusieurs pays d’Afrique du nord. Dans bien d’autres lieux des mouvements existent également, mais ils ne sont malheureusement pas encore victorieux.
Il existe essentiellement trois niveaux dans les structures de domination et d’aliénation qui déterminent la société mondiale actuelle :
1) les rouages de la représentation des classes dirigeantes : gouvernements, grands patrons. Ce sont eux qui détiennent l’essentiel du pouvoir. De Sarkozy à Berlusconi, force est de constater que beaucoup sont rouillés…
2) les rouages des formes d’organisation du capitalisme : il s’agit de la finance mondiale, qui comprend la spéculation – y compris sur la nourriture, avec ses conséquences tragiques aggravant la faim dans le monde –, etc.
3) enfin, la base même de la structure : les rouages de l’extraction de plus-value sous la forme de l’exploitation des travailleurs. C’est le niveau fondamental de l’organisation hiérarchique-capitaliste.
Evidemment les dictateurs, qu’ils chancèlent actuellement ou non, sont à renverser ; mais plus profondément, pour que la révolution gagne en Tunisie, en Egypte, en Libye et partout ailleurs, il s’agit non seulement de faire partir tous les éléments et tous le personnel de ces dictatures, mais il s’agit aussi de renverser le mode d’exploitation dont ils profitent, qui est fondamentalement le même partout dans le monde (parfois sous des formes diverses). La victoire sur toutes les dictatures ne peut résulter que d’un mouvement mondial, qui peut se construire de façon solidaire à partir des zones révolutionnaires actuelles.
La conquête des libertés et de la démocratie est bien sûr à poursuivre et à amplifier. Mais aussi importantes que soient les améliorations, les fondations restent pourries. Même avec de nouvelles « représentations », de prétendues « nouvelles solutions » ne pourraient être que provisoires : la société capitaliste est basée sur l’aliénation des êtres humains, et ne peut se stabiliser durablement.
Une période de changements mondiaux a-t-elle donc commencé ? Nous ne voyons pas encore les travailleurs s’affirmer comme une force sociale mondiale, prenant elle-même son sort en mains. En Europe, un bon début serait de faire comme cela a été fait en Tunisie : aller voir collectivement le patron dans son bureau et lui indiquer le chemin de la sortie, en lui précisant qu’il n’a plus le moindre droit sur les salariés, ces derniers s’organisant désormais eux-mêmes en autogestion. Evidemment, cela nécessite un rapport de forces global permettant de réaliser cette première étape – il s’agirait ensuite d’en finir avec le système du travail salarié, de la marchandise et du capital. Objectif certes ambitieux, mais nécessaire pour briser toutes les chaînes.
Signe parmi d’autres que cette société est bien rouillée, le pouvoir actuel en france ne pense plus qu’à une hypothétique réélection, et dans ce but use de démagogie et cherche à créer artificiellement des peurs – formule qui avait fonctionné pour Chirac en 2002. Naturellement, un personnel de rechange de la classe capitaliste existe, par exemple Dominique Strauss-Kahn. On voit bien à quel point les individus sont interchangeables : un Eric Woerth a bien rendu service à la minorité dominante, mais étant devenu trop voyant il a été discrètement congédié après une dernière attaque contre les travailleurs (en l’occurrence contre leurs retraites). Et le récent remaniement ministériel a remis aux premières places de vieux droitiers aussi discrédités que Juppé, resté dans les mémoires pour ses attaques anti-travailleurs de 1995 et accessoirement condamné pour avoir détourné des fonds publics vers son parti politique, ou Longuet, ancien militant d’extrême droite s’étant plus récemment fait remarquer pour des propos homophobes : on voit le niveau des individus auquel il est fait appel.
Tout cela n’aurait pas une importance fondamentale si ça ne traduisait pas en surface une réalité plus profonde, celle de ce système vieillissant incapable de sauvegarder même les apparences. Derrière la bouffonnerie des moeurs de cour royale, il y a la réalité de l’organisation hiérarchique de la société, la réalité d’une structure politique et sociale qui ne mérite qu’une chose : être renversée.
Laisser Sarkozy en place jusqu’en 2012 serait déjà une défaite, et un abandon de fait des peuples actuellement en révolution : pour qu’ils puissent aller plus loin, il faut aussi qu’ils soient rejoints. C’est partout que les travailleurs, les chômeurs et les jeunes peuvent s’unir pour agir par eux-mêmes contre les exploiteurs et les oppresseurs.
Dans ce contexte, il faut souligner le caractère nocif des « pré-candidatures » présidentielles actuelles. Ceux qui ne pensent qu’aux élections de 2012, et qui ne parlent que de ça, sacrifient la lutte des exploités ici et maintenant à un narcissisme égocentrique, et ils font diversion par rapport aux échéances réelles, qui sont immédiates.
Car il ne faut pas oublier qu’il y a aussi le risque du repli, du déferlement d’une vague réactionnaire. On en voit des prémices, en partie portées en Italie et en france par les gouvernements, aux Etats-Unis par le Tea Party, etc. Il n’y a rien d’inéluctable : tout cela peut être balayé par la lutte des travailleurs unis en tant que classe sociale, comme force indépendante et internationaliste, affirmant la créativité démocratique à la base, pour une révolution démocratique et sociale mondiale.
Aujourd’hui, comme hier et demain, et partout sur la planète : Vive la révolution !