Dans le monde entier, la crise du capitalisme a trouvé comme « réponse » l’aggravation de la situation par l’austérité. Elle provoque des régressions sociales innombrables, et un surcroît de violence sociale. Dans de très nombreux pays, le chômage de masse s’installe dans la durée1. Et on ne voit pas de sortie possible de cette situation à court ou moyen termes, du moins sans baisse du temps de travail (sans diminution des salaires) – ou abolition du travail salarié.
La conséquence directe de l’austérité est l’aggravation de la pauvreté. Il y a aussi les reculs en terme de santé publique, la baisse des budgets de la culture, etc. Le progrès social n’est plus à l’ordre du jour, même comme simple perspective d’affichage. L’austérité contribue aussi à retarder l’indispensable conversion énergétique – économies d’énergie, démantèlement du nucléaire, développement massif du renouvelable, entre autres2.
C’est aussi un recul démocratique, puisque l’austérité est appliquée même là où elle a été clairement désavouée par un vote. Par exemple en France, la responsabilité du gouvernement Hollande/Ayrault sera très lourde s’il persiste à mener une politique économique de droite (augmentation de la TVA, cadeaux au patronat, gel du SMIC, maintien des « jours de carence » en cas de maladie, etc.). Cela pose la question de l’organisation politique. Cette critique à la fois de l’ordre économique et de l’ordre politique (qui sont liés) existe – au moins en germe – au sein des mouvements des « indignés » et d’Occupy, avec notamment l’exigence de « démocratie réelle » en Espagne. Et de façon pragmatique, face à une offensive mondiale d’austérité on voit bien qu’une riposte efficace ne peut qu’être internationaliste.
Ces politiques d’austérité ont au fond pour but de transférer des richesses de la classe travailleuse vers la classe capitaliste. Mais ce faisant, les capitalistes ne sont-ils pas en train de scier la branche sur laquelle ils se trouvent ? Par le passé, ils ont parfois su lâcher un peu de lest afin de maintenir l’essentiel de leurs privilèges. La différence est que leurs marges de manœuvre paraissent actuellement réduites.
En Grèce, la destruction sociale atteint une telle intensité qu’elle tend à devenir un suicide social3. La situation est en train de se reproduire dans d’autres pays. Tout cela crée un désespoir, et de la peur. Il existe par conséquent de sérieux risques de replis. En France, la poursuite de la politique criminelle d’expulsion d’« étrangers » se révèle comme l’une des diverses formes actuelles de xénophobie. Une version plus comique des tendances au repli est le « patriotisme économique » prôné par le gouvernement, en particulier par Arnaud Montebourg. Cette mystification, d’apparence ridicule, pourrait s’inscrire en fait dans une situation dangereuse, liée à la perte de repères rationnels et à la montée de l’insignifiance – on observe ainsi des montées d’indépendantisme en Belgique, en Espagne, etc.
Par contre, des ripostes s’organisent un peu partout, et obtiennent parfois des victoires partielles et isolées. Un moratoire (partiel) des expulsions de locataires a par exemple été obtenu en Espagne, après des mobilisations – mais aussi après plusieurs suicides de personnes expulsées de leur logement.
Si les mobilisations restent pour l’instant dispersées et très insuffisantes, on voit tout de même que le rejet de l’austérité est massif. Cela montre que la régression actuelle n’est pas inéluctable : il n’y a pas de fatalité au recul social, au recul de civilisation qu’entraîne l’austérité généralisée. Pour cela, il y a besoin d’action collective auto-organisée à la base. Car le danger principal, c’est l’absence politique de la classe sociale majoritaire, la classe travailleuse (salariés et chômeurs, ainsi que les étudiants, lycéens et apprentis en tant que travailleurs en formation). Des mobilisations existent, mais restent dramatiquement insuffisantes et généralement émiettées : or sans une puissante riposte sociale, l’aggravation de la crise sociale se poursuivra.
L’austérité généralisée est une violence sociale, une violence de classe (d’une classe sociale contre une autre). Cette élévation du niveau de violence dans les rapports sociaux ne peut se poursuivre indéfiniment sans de très graves dommages.
Pour mettre fin à l’austérité, l’intervention partout dans le monde des salariés, chômeurs, etc., unis en tant que force sociale, est indispensable. Et pour sortir durablement de la crise, l’objectif n’est pas mince : il s’agit de sortir du système d’inégalité, d’exploitation et d’aliénation qu’est le mode de production capitaliste.
1 Le taux de chômage poursuit sa hausse au sein de l’Union européenne, à près de 11 % fin 2012. Il tend cependant à diminuer aux Etats-Unis, où il reste tout de même 12 millions de chômeurs. Sur les conséquences sociales de cet état de fait, voir « La société du chômage de masse », Critique Sociale n° 3, décembre 2008.