Le Parti de gauche vient de tenir son troisième congrès. Fondé fin 2008 sur le modèle de Die Linke, parti allemand constitué de débris issus du stalinisme et de la social-démocratie, il est essentiellement au service des ambitions de Jean-Luc Mélenchon.
En marge du congrès, ce dernier a déclaré que Pierre Moscovici est « quelqu’un qui ne pense plus en français, qui pense dans la langue de la finance internationale ». Si la politique économique de droite menée par Moscovici est évidemment à combattre, ces propos lamentables ne le permettent pas et constituent une nouvelle dérive. Pourquoi Mélenchon ne parle pas plutôt de penser en socialiste, de penser aux intérêts des travailleurs et des classes populaires ? De plus, pourquoi ne pas dénoncer la finance tout court ? Ne serait-ce pas implicitement pour préserver la finance nationale ? L’exploitation capitaliste serait donc acceptable tant qu’elle s’exerce au sein de quelques frontières étatiques ? La nostalgie du capitalisme d’Etat perce ici, et le fait que Mélenchon ait récemment fait l’apologie de Chavez le confirme.
Mélenchon n’est pas le premier à aligner les déclarations tonitruantes afin de masquer une orientation politique inconsistante. On a d’ailleurs connu une époque où Mélenchon défendait le même type de politique de droite que celle qui est menée aujourd’hui, au sein du gouvernement Jospin dont il était membre aux côtés de Moscovici. Les discours actuels de Mélenchon sont davantage guidés par sa volonté égocentrique d’avoir un espace médiatique, que par des convictions profondes. Les circonstances politiques, et les faibles résultats du Front de gauche aux législatives, ont fait qu’il n’a pas obtenu en 2012 un des postes qu’il espérait ; qu’à cela ne tienne, il ne rêve maintenant que de devenir Premier ministre. Cette « politique » personnelle s’accompagne de démissions de militants du Parti de gauche qui dénoncent le manque de démocratie interne.
Au-delà de ces petites péripéties, il reste que les diverses tendances au repli nationaliste sont particulièrement dangereuses, que ce soit ces propos, ou – plus grave – les mesures criminelles de Manuel Valls contre les sans-papiers et les roms.
Une véritable opposition de gauche au gouvernement Hollande-Ayrault est indispensable. Mais la confusion politique du Parti de gauche (et plus largement du Front de gauche) est dans le meilleur des cas une impasse, voire un dérivatif dangereux. Il est urgent de nous auto-organiser à la base, en partant du constat que c’est l’unité des travailleurs de tous les pays qui permettra d’en finir avec l’exploitation et l’aliénation, et en luttant sur une orientation de classe indépendante et de démocratie directe. Un préalable consiste à ne faire confiance à aucun « tribun » auto-proclamé comme Mélenchon, personnage caricatural qui tombera peut-être encore plus bas1.
1 Voir aussi : « Ni dieu, ni césar, ni Mélenchon », Critique Sociale n° 19 (janvier 2012), et « Pour un mouvement social européen, contre tous les nationalismes ! », Critique Sociale n° 20 (mars 2012).