Egalement publié comme article dans Critique Sociale n° 13 (décembre 2010).
Nous organisons un débat autour des enjeux du mouvement de ces derniers mois le mercredi 24 novembre à 19h à Paris, au « Couvent », 69 rue Broca (sous le boulevard de Port-Royal), près de la station de métro Gobelins.
Le mouvement opposé à la contre-réforme des retraites est une véritable lame de fond, des millions de travailleurs, de chômeurs et de jeunes se sont mobilisés durant des semaines pour affirmer notre refus d’une série de mesures injustes et rétrogrades. Plus encore qu’en 1995 et 2003, les revendications des manifestants traduisaient une remise en cause du système économique dans son ensemble, un refus du chantage au nom du « bon sens ». La crise financière mondiale a largement entamé la crédibilité du capitalisme, et de son système politique.
Le mouvement continue, alors que les parlementaires ont voté la loi et que le gouvernement l’a promulguée. Ce dernier est de plus en plus vu pour ce qu’il est : une clique au service des classes sociales privilégiées, au service des intérêts des plus riches (bouclier fiscal, etc.), ce qui fait qu’une partie des salariés sont dans un rejet frontal du pouvoir, sur l’air de « Casse-toi pôv’con ».
Cependant le mouvement n’a pas obtenu gain de cause. Il nous semble important de réfléchir à ce qui n’a pas jusqu’à présent permis de gagner, alors même que la mobilisation a été massive, notamment en octobre. Au sein du mouvement, des positions sensiblement différentes se côtoyaient, mais il n’y a pas eu de véritable débat global autour des différentes formes de luttes possibles face au gouvernement. Les trop rares débats à la base ont été suscités par les travailleurs eux-mêmes et non par les directions syndicales. Un mouvement, aussi important et unitaire soit-il, ne peut gagner que s’il porte des revendications claires, réellement discutées et adoptées à la base par de larges assemblées.
Nous pensons également que les décisions prises par les directions syndicales, et tout particulièrement celles concernant les dates des mobilisations suivantes après chaque journée de mobilisation réussie, ont empêché toute réelle intensification de la confrontation avec le gouvernement, toute construction d’un rapport de force à même de le faire reculer. Ces décisions contre-productives ont été prises par une « intersyndicale » coupée des masses mobilisées, sans consultation à la base. Les journées de mobilisation, réussies en terme de nombre, n’ont pas suffisamment servi de moteur à la construction d’un mouvement de grève généralisé. Il n’y a pas eu assez de coordination au niveau local, d’actions spontanées, de débats dans chaque entreprise, chaque quartier, chaque établissement. Nous pensons que ces initiatives et leur préparation par des regroupements locaux de travailleurs, de chômeurs ou de jeunes sont la véritable force dynamique d’un mouvement. La coordination des actions par les acteurs du mouvement social eux-mêmes est ce qui rend possible les avancées. A l’inverse le contrôle sans débat mené par les directions bride le mouvement.
Toutes ces questions ne recouvrent pas l’ensemble de la richesse et de la complexité de la mobilisation depuis plus de deux mois : elles ne sont pas limitatives. Nous vous proposons de débattre ensemble de tous ces sujets le mercredi 24 novembre à 19h, au « Couvent », un bar-restaurant situé au 69 rue Broca (sous le boulevard de Port-Royal), dans le 13e arrondissement de Paris, près de la station de métro Gobelins (ligne 7).
La contre-réforme des retraites lancée par le gouvernement est injuste, les arguments utilisés pour la défendre sont mensongers, et donc ceux qui manifestent contre ce recul de leurs conditions de vie ont parfaitement raison de le faire. Il s’agit de défendre un droit, celui de pouvoir prendre sa retraite à 60 ans. Rappelons que Sarkozy avait promis de maintenir ce droit lors de sa campagne électorale de 2007 : il bafoue maintenant sa parole, et veut imposer un recul social contre la volonté de la grande majorité des salariés. Ce n’est pas ça, la démocratie ! Nous pensons donc que ce mouvement est important, qu’il faut trouver ensemble des formes de mobilisation et d’action efficaces pour faire battre en retraite le gouvernement, et peut-être d’aller plus loin.
Tous ceux qui veulent participer au mouvement doivent pouvoir le faire de façon concrète : manifester lorsque les organisations syndicales en place le décident, c’est un premier pas mais ce n’est pas suffisant. La mobilisation sociale, c’est lorsque tous ceux qui sont concernés par un problème se réunissent dans leurs entreprises, dans leurs quartiers, ou dans leurs organisations. Avez-vous été invité à une réunion avant les manifestations du 7 septembre ? Ces manifestations ont le plus souvent eu lieu sans Assemblées Générales préalables, parce que les directions syndicales l’ont décidé en fonction de ce qu’elles appellent, comme les journalistes, la « grogne sociale ». Il n’y a pas assez eu de débats à la base, d’échanges sur l’attaque que constitue le projet de réforme du gouvernement, et sur les différentes contre-propositions. Il y en a eu encore moins au lendemain des manifestions massives du 7 septembre : les directions syndicales se sont réunies à huis-clos pour décider d’appeler à des manifestations le 23 septembre, c’est à dire après la date prévue pour le vote de la réforme à l’Assemblée. Au lendemain d’une mobilisation massive dans tout l’hexagone, elles ont refusé de proposer au mouvement d’aller plus loin dans l’opposition au gouvernement.
Nous pensons que cette situation n’est pas le fruit du hasard ou de la désorganisation involontaire du mouvement. Nous pensons que les directions des centrales syndicales les plus importantes ont leurs intérêts qui font qu’elles vont moins loin que ce qui serait nécessaire pour les travailleurs, les précaires, les chômeurs et les jeunes qui se sont mobilisés le 7 septembre. Et nous pensons également qu’il faudrait le plus possible se réunir pour discuter de cette contre-réforme des retraites, et des propositions des forces politiques qui disent vouloir « porter la parole des travailleurs à l’Assemblée nationale ». On pourrait alors débattre autour du fait que le Parti dit socialiste, s’il affirme vouloir maintenir l’âge légal de la retraite à 60 ans, accepte dans le même temps l’allongement progressif de la durée de cotisation, laquelle passera de 40,5 ans à 41 en 2012, puis à 41,5 en 20201. Nous sommes sûrs que la majorité de ceux qui se sont mobilisés le 7 septembre ne sont pas du tout d’accord avec ces propositions. Les dirigeants des organisations syndicales n’ont mal-heureusement pas pointé le fait que ces propositions reviennent à dire qu’il serait de plus en plus dur d’avoir une retraite décente à 60 ans, et tout particulièrement pour ceux qui ont une carrière « à trous » : en particulier les femmes et les précaires. Et pour cause : la CFDT est plus ou moins sur les mêmes positions car ses dirigeants font partie de la même classe sociale que ceux du PS, et l’unité de façade est plus importante pour les dirigeants que la clarté de la discussion collective. Le Parti dit socialiste veut revenir au pouvoir et cherche à capter encore une fois le « vote populaire » en disant qu’il rétablira la retraite à 60 ans, et dans le même temps annonce déjà les trahisons qui rassurent les patrons en acceptant dès aujourd’hui l’allongement de la durée de cotisation. Pourtant d’autres possibilités réalistes existent, qui garantiraient les droits des salariés à une bonne retraite dès 60 ans.
Nous pensons que la confusion entretenue par les directions, leur refus du débat collectif à la base sur les enjeux, les moyens et l’agenda de la lutte contre le gouvernement, entravent le mouvement. Quelle que soit la situation à l’issue des manifestations du 23 septembre, nous pensons qu’il faut, partout, dans chaque entreprise, chaque établissement, chaque quartier, militer activement pour que soient convoquées des Assemblées Générales, et que celles-ci s’emparent du débat : Quelles revendications sur les retraites ? Et quels moyens pour contrer le projet de réforme du gouvernement ?
L’auto-organisation à la base est la véritable forme de la mobilisation sociale. L’action sociale collective — car il s’agit bien de cela, la réforme concerne tout le monde, pas seulement telle entreprise ou telle catégorie de travailleurs — pour être efficace, doit forcément être menée de façon démocratique. Et la démocratie, ce n’est pas se limiter à une marche de République à Nation sans débats ni actions. La démocratie n’est pas non plus au gouvernement, elle peut au contraire se construire à la base.
N’attendons pas pour agir par nous-mêmes. Mobilisons-nous pour le retrait du projet gouvernemental contre les retraites :
Manifestation jeudi 23/09 : 13 heures, place de la Bastille